Delacroix, Van Loo, Brueghel d’Enfer… Les peintures exceptionnelles des églises parisiennes
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Mise à jour le 08/12/2023
De nombreux tableaux cachés dans les églises parisiennes portent la signature de grands maîtres de l’histoire de l’art. Nous vous proposons un voyage en peintures, de la Renaissance au XIXe siècle.
Cette sélection de chefs-d’œuvre révèle la diversité des toiles conservées dans les églises parisiennes. Elles sont issues soit de confiscations révolutionnaires, soit d’achats et de commandes du service des Beaux-Arts de la Ville de Paris, créé en 1816.
La Crucifixion de Brueghel Le Jeune (dit Brueghel d’Enfer), à Saint-Séverin, 5e
90 x 130 cm, huile sur panneau de bois, fin du XVIe siècle
Derrière le Christ, une cité flamande médiévale jaillit au-delà des collines. Les remparts sont hérissés de tours. De part et d’autre de la croix, deux grandes églises aux clochers massifs. La scène se passe aux alentours de midi, mais le ciel s'obscurcit subitement au moment de la crucifixion.
Sous la croix, des personnages à foison, dans des positions variées et parfois dans des mises en scène cocasses. Dans la gamme de bruns qui caractérise l’ensemble surgissent quelques éclats rouges-vifs et blancs. Ici ou là, une cape, une veste, une jupe, ou un bonnet écarlate attirent le regard.
À côté, c’est la croupe d’un cheval, un étendard, une chemise, un turban, une coiffe ou un tablier blanc. Ces taches colorées font vibrer la composition et attirent l’attention du spectateur d’un groupe à l’autre.
Brueghel L'Ancien avait peint une scène de la crucifixion qui fut perdue. Son fils a souhaité reproduire cette œuvre d'une grande qualité picturale, préservée depuis les années 1980 à l'église Saint-Séverin après avoir été accrochée à l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (5e).
Le tableau n'avait pas bénéficié de restauration depuis 1979. Fin mai, les restaurateurs de la Ville ont remis en état La Crucifixion avant qu'elle ne parte en Italie, à La Spezia, pour une exposition consacrée à une autre version de cette peinture au musée Amedeo Lia.
« Elle avait besoin d'un décrassage de la surface, notamment au niveau des joints des quatre panneaux de bois qui la composent et qui avaient bougé avec les variations hygrométriques », explique Pauline Lascourrèges, restauratrice de peintures, qui a travaillé quatre jours sur ces retouches.
« Elle avait besoin d'un décrassage de la surface, notamment au niveau des joints des quatre panneaux de bois qui la composent et qui avaient bougé avec les variations hygrométriques », explique Pauline Lascourrèges, restauratrice de peintures, qui a travaillé quatre jours sur ces retouches.
L'œuvre a depuis retrouvé sa place dans la sacristie.
Le Christ mort descendu de la croix de Charles Dorigny, à Sainte-Marguerite, 11e
214 x 218 cm, huile sur panneau de chêne, 1546
Réalisé par Charles Dorigny, ce chef-d’œuvre de la peinture française fut exécuté en 1546 pour le maître-autel de la chapelle des Orléans, alors située dans l’église du couvent des Célestins. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’il fut déposé à Sainte-Marguerite.
La composition se distingue par son extraordinaire intensité dramatique. Dominant un paysage baigné par une lumière crépusculaire, celle-ci réunit, autour du Sauveur, une foule de protagonistes aux visages et aux attitudes marqués par les stigmates de la douleur. De gauche à droite, on y aperçoit le centurion Longin, Marie Madeleine, agenouillée au pied du Seigneur, Joseph d’Arimathie, Nicodème et Jean, regroupés à l’arrière, enfin la Vierge et ses compagnes, aux mains crispées par l’affliction.
Tandis que la silhouette étirée du corps de Jésus et l’uniforme de Longin s’inspirent du maniérisme ultramontain, le réalisme des visages ainsi que l’exceptionnel souci du détail appliqué à la représentation du paysage ne manquent pas de rappeler ici la manière des grands maîtres flamands…
Église Sainte-Marguerite
36 rue Saint-Bernard 75011 PARIS
Le Christ au Jardin des Oliviers d'Eugène Delacroix à Saint-Paul-Saint-Louis, Paris Centre
280 x 350 cm, huile sur toile, 1827
Lorsque Delacroix reçut la commande de ce tableau en 1824, il n’était encore qu’un jeune artiste à la célébrité montante. Pour cette scène représentant le Christ priant avant l’arrestation qui le conduira à sa crucifixion, Delacroix, bien qu’athée, exprime avec profondeur l’intensité de la prière et la souffrance du Christ, laissé seul par les apôtres endormis. Il centre sa composition sur le dialogue muet avec les anges éplorés, entrelacés dans une magistrale nuée lumineuse et dorée. Sa maîtrise des couleurs et des effets lumineux est renforcée par son dessin enlevé et vigoureux et par son sens de la mise en scène.
Le Christ au Jardin des Oliviers fut exposé au Salon de 1827 et ensuite affecté à l’église Saint-Paul-Saint-Louis. La façade remarquable de cet édifice a été restaurée en 2011, ainsi que l’horloge de 1627. Le tableau a été restauré en 2017–2018, puis prêté au Louvre et au Metropolitan Museum of Art de New York, en 2018 dans le cadre de l’exposition Delacroix et en 2019 au Petit Palais dans le cadre de l’exposition Paris Romantique.
Eglise Saint-Paul-Saint-Louis
99, rue Saint-Antoine 75004 PARIS
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L’Adoration des Mages de Claude Vignon, à Saint-Gervais-Saint-Protais, Paris Centre
165 x 262 cm, Huile sur toile, 1625
Claude Vignon compte parmi les peintres parisiens de la première moitié du XVIIe siècle les plus célèbres. Peu après son retour de Rome, il peint en 1625 cette Adoration des mages pour le maître-autel de l’église abbatiale Saint-Victor (située près de l’actuel Jardin des plantes, aujourd’hui détruite).
Le peintre entraîne le spectateur dans la féerie d’une composition ouverte et rayonnante. Au centre, la Vierge présente l’Enfant Jésus aux Rois mages. Fastueusement vêtus, ils apportent leurs présents dans de splendides pièces d’orfèvrerie. Agenouillé, sa couronne posée au sol, Gaspard contemple l’Enfant avec vénération. Melchior se tient derrière lui, tandis que Balthazar se tourne vers le spectateur pour mieux l’inviter à entrer dans la scène. Saint-Joseph, à droite, regarde les trois arrivants avec stupeur.
Vignon déploie une manière où la verve du langage pictural, le raffinement des couleurs et des détails sont mis au service d’une grande lisibilité de la scène représentée. Il répond en cela aux préceptes de l’Église, dictés au lendemain des guerres de Religion opposant catholiques et protestants : la peinture doit toucher directement le fidèle, en privilégiant les sujets simples et émouvants. Ce tableau a été restauré en 1993.
Église Saint-Gervais-Saint-Protais
Place Saint-Gervais 75004 PARIS
Des spécialistes de la conservation
Les églises constituent de véritables lieux de culture. Leur patrimoine mobilier, évalué à près de 50 000 pièces, fait l’objet de restaurations régulières, assurées par des spécialistes, sous le contrôle de la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles (COARC) de la Ville de Paris et des Monuments Historiques.
Saint Louis visitant les pestiférés d'Ary Scheffer, à Sainte-Croix-Saint-Jean-des-Arméniens, Paris Centre
320 x 260 cm, huile sur toile, 1822
Peintre français d’origine hollandaise, Scheffer vécut à Paris et sa demeure, rue Chaptal (9e), aujourd’hui propriété de la Ville de Paris, est devenue le musée de la Vie romantique.
Bien que décorant une église, ce tableau semble au premier abord plus historique que religieux. Il représente le roi Louis IX visitant les pestiférés à Tunis, lors de la VIIIe et dernière Croisade en 1270, durant laquelle il mourut. Le visage émacié et blafard, soutenu par son fils Philippe, il paraît désespérément implorer le ciel de ses prières, à la vue des malades qui gisent à ses pieds et du fidèle et vieux seigneur croisé qui lui étreint le bras en un ultime hommage.
Ce tableau se trouve dans la cathédrale Sainte-Croix-des-Arméniens. Cette église fut construite au XVIIe siècle. C’était la chapelle du couvent des petits capucins du Marais, qui fut détruit à la Révolution. L’église, conservée, fut agrandie au XIXe siècle par Victor Baltard. Elle fut affectée au culte catholique arménien en 1970. Le tableau a été restauré en 2019, à l’occasion de la rénovation de l’édifice.
Cathédrale Sainte-croix des arméniens
13 Rue du Perche 75003 PARIS
Tobie et l’Ange de Santi di Tito, à Saint-Eustache, Paris Centre
216 x 124, huile sur toile, 1575
Dans la chapelle Sainte-Geneviève de l'église Saint-Eustache se trouve ce magnifique tableau, peint à l’huile sur panneau de bois, vers 1575, par Santi di Tito, peintre maniériste italien de l’école florentine. Il fut saisi par les armées napoléoniennes en Autriche, comme de nombreux chefs-d’œuvre, puis rapporté à Paris.
Le sujet est issu de l’Ancien Testament, du livre de Tobie. Le jeune Tobie est envoyé par son père dans une contrée lointaine pour se faire payer une dette. Il est accompagné de l’Ange Raphaël qui le protège des dangers encourus. Ce dernier lui indique comment il peut guérir la cécité de son père avec le fiel, le cœur et le foie d’un poisson. Sur le tableau, l’ange guide le jeune homme sur le chemin du retour. Tobie tient le monstrueux et dangereux poisson qu’il a pêché ainsi que l’argent récupéré. Sans regarder la route, Tobie se laisse guider par l’Ange, attitude qui symbolise sa confiance et son abandon à Dieu.
Dans ce tableau au cadrage serré, les personnages sont élancés et dansants, les draperies volantes et la gestuelle gracieuse. Les coloris jouent sur les oppositions des roses clairs, des bleus pâles et des verts, formant des harmonies acidulées et délicates. Il émane de cette œuvre un lyrisme teinté de douceur.
Église Saint-Eustache
2 Impasse Saint-Eustache 75001 PARIS
Adoration des Mages de Carles Van Loo à Notre-Dame de l’Assomption, Paris Centre
433 x 278 cm, huile sur toile, 1739
L’artiste, qui après cette commande a travaillé pour de nombreuses églises parisiennes, met en scène l’Adoration des Mages dans un décor architectural antique, recouvert d’une discrète végétation. Sous le regard attentif de trois angelots, la Vierge présente son enfant assis sur un socle aux trois mages. Ils sont reconnaissables à leurs riches vêtements ornés de fourrure et de plumes, et à leurs cadeaux : l’or, l’encens et la myrrhe contenus dans des coffrets précieux.
Le regard du vieillard agenouillé devant l’Enfant Jésus est dirigé vers les marches sur lesquelles se trouvent sa couronne et le coffret qui contient son présent. À proximité gît une statue antique brisée, évoquant une idole païenne, et son socle. Ces détails, ainsi que le geste de saint Joseph, qui désigne la scène à une foule aux habits orientaux, permettent également d’évoquer l’évangélisation menée par les missionnaires. L’œuvre, restaurée en 2013, a retrouvé tout son éclat et ses couleurs chatoyantes.
Le tableau est déposé dans l’ancien couvent des Petits-Augustins en 1793 avant d’être placé à l’église Saint-Eustache en 1802, où il est exposé lors de l’Exposition universelle de 1878. Il est enfin mis en dépôt à l’église Notre-Dame de l’Assomption.
Église Notre-Dame de l’Assomption
Place Maurice Barrès 75001 PARIS
La Vierge apparaissant à saint Jérôme de Guercino, à Saint-Thomas d’Aquin, 7e
327 x 200, huile sur toile, 1650
Francesco Giovanni Barbieri, dit Le Guerchin, était doté d’une grande facilité d’exécution et d’un sens inné de la couleur, comme en témoignent la profondeur du bleu du manteau de la Vierge et l’intensité du rouge de sa robe. Il excellait également dans le rendu réaliste de la nature et des objets, comme ici la barbe soyeuse du saint, les pierres, les livres ou la plume.
L’œuvre nous montre saint Jérôme dans un paysage inhabité, censé évoquer le désert, au moment où lui apparaît la Vierge tenant l’Enfant. Il se détourne alors de ses écrits. Sa main gauche révèle sa surprise ; de sa main droite il tient délicatement la plume avec laquelle il est en train de consigner la traduction de la Bible, de l’hébreu en latin (dite Vulgate).
Œuvre majeure du Guerchin, tant par son sujet que par sa destination, c’est l’unique tableau de ce grand artiste italien conservé dans les églises parisiennes. Il a été restauré en 2018.
Église Saint-Thomas d’Aquin
5 place St-Thomas d’Aquin 75007 PARIS
La promenade de l’Enfant Jésus de Francisco de Zurbarán, à Saint-Médard, 5e
236 cm x 169 cm, huile sur toile, vers 1630
Francisco de Zurbarán est un peintre du siècle d’or espagnol, contemporain et ami de Vélasquez. Le tableau est inspiré des voyages annuels que la Sainte Famille avait coutume d’accomplir à Jérusalem lors de la fête de Pâques, et illustre la dévotion dont fait alors l’objet la figure de Joseph dans l’Espagne du XVIIe siècle. Placé à la droite de la composition, la main appuyée sur le bâton fleurdelisé qui le désigna comme époux de Marie, ce denier s’impose par sa taille et son regard empreint de gravité.
La promenade de l’Enfant Jésus apparaît à bien des égards comme une œuvre de transition dans laquelle Zurbarán, adepte jusqu’alors d’un style plutôt dépouillé, enrichit sa palette chromatique tout en manifestant un intérêt nouveau pour la représentation du paysage. En effet, si le modelé des figures et les éclairages brutaux révèlent encore l’influence du Caravage, le coloris chaud des drapés, les frondaisons verdoyantes et le ciel lumineux qui servent d’écrin à la scène, témoignent bien d’une orientation esthétique nouvelle, désormais plus proche du classicisme romain.
Suspendue au mur de la petite chapelle Saint-Louis, La promenade de l’Enfant Jésus a été présentée à Paris en 1988 puis à Mexico en 1994, lors des deux grandes expositions consacrées au maître sévillan. L'an dernier, elle a bénéficié d'une belle restauration avec le soutien de la Fondation Avenir du Patrimoine.
Église Saint-Médard
141 rue Mouffetard 75005 PARIS
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